T50 - Mercure.

MERCURE
par Gérard OUDENOT

http://photojournal.jpl.nasa.gov/catalog/PIA03103Mercure est l’une des cinq planètes visibles à l’œil nu (fig. 1), elle a donc été remarquée depuis la plus haute antiquité. Les grecs l’appelaient Hermes, le “messager des dieux”, à cause de son déplacement rapide dans le ciel et pour les romains, qui lui ont donné le nom de “Mercure”, c’était le dieu du commerce, des voyages et des voleurs !

Mercure est une petite planète de 4 880 km de diamètre, qui accomplit sa révolution autour du Soleil en 88 jours. Son déplacement rapide dans le Système solaire est dû à sa proximité du Soleil. La planète en est distante en moyenne de 58 millions de kilomètres, mais peut s’en rapprocher jusqu’à 46 millions de kilomètres ou s’en éloigner jusqu’à 70 millions de kilomètres. Ce qui signifie que son excentricité (rapport entre la distance du Soleil au centre de l’ellipse orbitale et sa distance moyenne à la planète) est élevée : 0,206 ; c'est la plus élevée pour les planètes du Système solaire, exceptée celle de Pluton.

Mercure se déplace dans le ciel et revient en face du Soleil tous les 115 jours, c’est sa révolution synodique, déjà mesurée avec précision par l’astronome grec Eudoxe, au quatrième siècle avant notre ère. Plus proche du Soleil que la Terre, il ne s'en éloigne jamais angulairement de plus de 28° (fig. 2). Ce corps, déjà petit en taille, reste ainsi toujours placé dans les lueurs du crépuscule, lorsqu'il n'est pas invisible ; ce qui explique pourquoi on savait si peu de choses sur cette planète avant que la sonde spatiale américaine Mariner 10 ne la survole.

Ceci implique également un système de phases, tout comme pour la Lune, où l’éclat maximal correspond au “plein Mercure” et chute rapidement. De plus, Mercure ne peut pas s’observer dans les feux du Soleil, il faut attendre qu’il en soit éloigné, ce qui ajoute aux difficultés d’observation. Les phases ne sont pas visibles à l’œil nu ; elles n’ont pas été vues non plus par Galilée dont la lunette n’était pas assez puissante ; c’est l’astronome italien Giovanni Zupus, qui les a observées le premier, en 1639.

Contrairement à ce qu'on pensait depuis Schiaparelli en 1889 et jusqu’en 1962, Mercure ne présente pas toujours la même face au Soleil, mais tourne sur lui-même en 59 jours. On remarque que 59 x 3 est voisin de 88 x 2. Ce qui n'est pas un hasard : Mercure fait trois tours sur lui-même pendant qu'il en fait deux autour du Soleil. Nous nous trouvons comme pour la Lune par rapport à la Terre, devant un couplage mécanique. Mais celui-ci est plus complexe ; il ne peut s'exercer que sur une planète d'excentricité élevée, ce qui est le cas ici, et c’est d’ailleurs le seul exemple de ce type de couplage dans le Système solaire.

Ceci a des conséquences curieuses, dont l’une des plus banales est que la journée sur Mercure (qui dure 176 de nos jours) dure en fait deux ans mercuriens, qui valent 2 x 88 j (fig. 3).

La masse de Mercure a été longtemps difficile à évaluer, car la planète ne possède pas de satellite, et sa petite masse ne cause que de faibles perturbations à ses voisines. C’est Johann Encke qui en fit la première détermination expérimentale, en 1841, en mesurant les perturbations que Mercure exerçait sur la comète qui allait porter son nom. Cette valeur était bonne à 20%. Plus proche de nous, la sonde Mariner 10 a permis, en 1974, de fixer la masse de Mercure à 0,055 masse terrestre ou 3,302.1023 kg.

La densité moyenne de Mercure est de 5,44, ce qui est beaucoup pour une planète aussi petite. Presque autant que la densité de la Terre qui est de 5,52. En réalité c’est même plus que cela ; comme nous venons de le dire la Terre est bien plus massive que Mercure et ses couches extérieures exercent une pression élevée sur ses parties centrales, ce qui conduit à une densité “non comprimée” de 4,45, contre 5,3 pour Mercure ; c’est la plus forte du Système solaire. Il en résulte que le noyau ferreux de Mercure doit-être très important : de l’ordre de 1 800 km de rayon. Ceci suggère que cette planète ne s’est pas formée seulement par accrétion à partir de la nébuleuse primitive. Proche du Soleil elle a récupéré les éléments les plus denses de la nébuleuse, mais de plus elle a connu une naissance cataclysmique, analogue à celle de la Lune : un proto-Mercure, 2,25 fois plus massif que le Mercure actuel, a été heurté par un gros astéroïde primordial d’une masse égale à 1/6 de celle du proto-Mercure. Les éléments les plus légers ont été éjectés, sans former un satellite comme ce fut le cas pour la Lune ; il en est résulté la planète dense que nous connaissons, composée essentiellement du noyau ferreux dont nous avons déjà parlé, entouré d’une coquille silicatée d’environ 600 km d’épaisseur, analogue à l’ensemble manteau plus croûte terrestres.

Mercure n'a pas d'atmosphère. Le peu de gaz qu'il a peut-être récupéré lors de sa formation s'est dissipé rapidement dans l'espace, en particulier si l'hypothèse de la formation par collision est la bonne. Mariner 10 a mesuré avec précision la pression au sol : 10-12 atmosphère (soit 10-9 hectopascal), mille milliards de fois moins que sur la Terre, c'est-à-dire vraiment rien ! L’”atmosphère” consiste en atomes de la surface de Mercure éjectés par le vent solaire.

Du fait de la proximité du Soleil et de l'absence d'atmosphère, il existe de fortes différences de température au niveau du sol de Mercure. À midi, la température atteint 400°C à l'équateur, tandis qu'elle descend jusqu'à - 200°C seulement sur la partie non éclairée.

Les trois survols de Mercure par Mariner 10, en 1974-75, nous ont révélé un peu moins de la moitié de sa surface. Le sol est criblé de cratères qui sont essentiellement le résultat de la chute des météoroïdes primordiaux, c'est-à-dire les débris qui n'avaient pas servi à fabriquer des planètes et qui ont percuté ces planètes pendant environ 500 millions d'années. Le relief de Mercure ressemble beaucoup à celui de la Lune dans son ensemble, mais s’en éloigne dans les détails. On y trouve un grand nombre de cratères qui, comme ceux de la Lune, ont des structures liées à leur taille. Les plus petits, jusqu’à une vingtaine de kilomètres de diamètre, ont la forme d’un bol ; de 20 à 100 km ils présentent la plupart du temps un piton central ou plusieurs pour les plus grands, et au-dessus de 150 km, on y voit un ou plusieurs anneaux concentriques. La profondeur des cratères est de l’ordre du dixième de leur diamètre, avec une profondeur maximale de 2 km. Comme dans le cas de la Lune, ces formes particulières sont dues aux déformations et reconfigurations du sous-sol, au moment de l’impact qui a donné naissance au cratère. Les cratères de Mercure présentent la particularité d’être plus regroupés que sur la Lune : à des zones très cratérisées succèdent des plaines lisses, dites inter-cratères. L’explication en est simple, la gravité sur Mercure est à peu près égale au double de celle de la Lune, aussi lorsqu’un météoroïde tombe et forme un cratère, les débris éjectés, qui forment à leur tour d’autres cratères, retombent plus près.

http://photojournal.jpl.nasa.gov/catalog/PIA02446Une autre des particularités de Mercure, qu’on ne retrouve sur aucune autre planète, consiste en de vastes falaises ou escarpements lobés, qui peuvent s’étendre sur des centaines de kilomètres (fig. 4). Désignés sur les cartes par leur nom latin de « rupes », ils correspondent à une contraction de la planète lors de son refroidissement. Les escarpements lobés traversent des cratères, comme on le voit bien sur la figure 4, ce qui suppose une formation postérieure à celle des cratères. Leur orientation amène à penser qu’ils ont été influencés par la chute d’un énorme météoroïde à l’origine d’un vaste bassin : le bassin de la chaleur.

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Le bassin de la chaleur (fig. 5), de son nom latin usuel « Caloris Basin », mesure 1 300 km de diamètre et tire son nom du fait qu’il correspond à l’un des deux points « chauds » de Mercure. Ce qui signifie que, compte tenu du rapport particulier entre sa rotation et sa révolution, Mercure à son périhélie présente toujours les deux mêmes points de sa surface, qui sont donc les points les plus chauds. La formation de Caloris Basin, il y a 3,8 milliards d’années a réactivé brièvement le volcanisme et orienté les figures de compression de la planète. L’onde de choc produite par l’impact a également déchiquetée les terrains situés aux antipodes de Caloris Basin (fig. 6).http://photojournal.jpl.nasa.gov/catalog/PIA02445 Il semble que ceci marque le seul épisode important dans la vie de Mercure depuis la naissance du Système solaire ; ensuite il n’a plus connu qu’un lent refroidissement, si l’on peut associer l’idée de refroidissement à une planète aussi chaude !

En 1991 et 1992, des observations en radarastronomie ont montré qu'il pourrait exister de la glace au niveau des calottes polaires de Mercure. Une vingtaine de glaciers, de quinze à soixante kilomètres de diamètre, ont pu être associés à des cratères. C'est le pôle sud qui détient le record avec un bloc de glace de 130 km de diamètre dans le cratère Chao Meng-fu (fig. 7).http://photojournal.jpl.nasa.gov/catalog/PIA02941






Ces glaciers très vraisemblablement composés d'eau, doivent avoir une épaisseur largement supérieure au mètre. Ils ont pu persister depuis plusieurs milliards d'années grâce au relief tourmenté de Mercure. L'axe de rotation de la planète étant perpendiculaire à son orbite, la lumière ne pénètre jamais à l'intérieur des cratères proches des pôles, et la température n'y dépasse pas -170°C, ce qui est suffisant pour empêcher la sublimation de la glace. La présence de poussière au sein des glaciers et en surface pourrait également aider à éviter l'évaporation.

L’axe magnétique de Mercure est orienté dans le même sens que celui de la Terre et fait un angle presque identique (11°) avec l’axe de rotation. La valeur du champ à la surface de la planète est le centième de celle de la Terre (environ 5.10-7 tesla). La distance moyenne du centre de la planète à la magnétopause est de 1,5 rayon planétaire, tandis que pour la Terre elle est de 11 rayons planétaires. Il en résulte que le vent solaire atteint beaucoup plus facilement la surface de Mercure et qu’il n’existe pas de ceintures de radiations, comme les ceintures de Van Allen autour de la Terre.

Mariner 10 est la seule sonde spatiale à s'être approchée de Mercure jusqu'à aujourd'hui. Deux nouvelles missions sont actuellement prévues : "Messenger" et "BepiColombo". Messenger (MErcury Surface, Space ENvironment, GEochemistry and Ranging) est une mission de la NASA qui devrait être lancée au début de 2004 pour placer un satellite en orbite autour de Mercure en avril 2009 pour une durée d’un an terrestre. La mission BepiColombo, du nom du scientifique italien Giuseppe (Bepi) Colombo qui avait proposé la trajectoire de Mariner 10, est une mission de l'ESA, avec la participation de l'ISAS (Institut de l'espace et des sciences astronautiques du Japon). La mission devrait être lancée en 2009 et atteindre Mercure deux ans et demi plus tard ; alors deux engins spatiaux seraient mis en orbite autour de Mercure et un troisième se poserait sur le sol de la planète.