T82 - LE TRESOR DE RACKHAM LE ROUGE.

Dans le texte T81-Cartes sur Terre, nous apprenons que Diogène est équipé d'un instrument bien pratique, le GPS... Et que Serge l'utilise tous les jours... Mais comment faisaient donc les marins d'autrefois ?

Comment donc le Capitaine « François Chevallié de Hadoque, capitaine de la marine du Roy, Commandan le vaisseau La Licorne » releva t-il la position de l'île sur laquelle l'infâme Rackham le rouge avait enfoui son trésor ? Ce n'est pas écrit dans ses mémoires, alors faisons un peu travailler notre imagination...

Vous savez maintenant que pour se repérer sur la terre, il faut connaître la latitude et la longitude... Comment donc François mesura t-il la latitude ? Ce fut très simple en fait....

L'histoire se déroule au temps du roi Louis XIV et le sextant n'était pas encore inventé (il le fut par l’astronome anglais John Hadley, en 1731) mais un instrument comparable, bien que moins précis, que l'on appelait « Bâton de Jacob  » permettait déjà de relever l'angle que faisait un astre avec l'horizon... Voilà donc François, par une belle nuit d'été de 1703...

Il lui suffit alors de trouver l'étoile polaire (vous savez bien, celle qui indique toujours le Nord puisqu'elle est située sur l'axe de rotation de la terre). Elle fait fait partie de la petite Ourse et n'est pas très difficile à trouver, elle se situe dans le prolongement (5 fois) des roues arrière du grand chariot (ou Grande Ourse). Et François mesura l'angle que faisait cette étoile avec l'horizon... Il trouva 20°37'42'', ce qui avec un instrument comme le bâton de Jacob releva sans doute du miracle... Il nota soigneusement « latitude 20°37'42'' Nord » (Dans l'hémisphère Sud, il n'aurait pas vu l'étoile polaire mais il aurait pu apercevoir la « croix du sud » qui lui aurait permis la même mesure).

Pour la longitude ce fut plus difficile... Il lui fallait un « chronomètre de marine », c'est à dire en fait une horloge qui lui permettait de connaître l'heure sur un méridien de référence (méridien d'origine ou méridien zéro). A cette époque c'était chose difficile car les chronomètres d'alors n'étaient pas capables de fonctionner correctement en mer sur une longue durée... ) Admettons donc que le chevalier en possédait un d'une grande précision (léger anachronisme). Il est possible qu'il planta un bâton dans le sol pour déterminer le midi local de l'île, c'est à dire le moment exact où le soleil est au plus haut et l'ombre du bâton la plus petite possible... Il nota le décalage de temps entre ce moment et l'heure que lui donnait son horloge. Cette différence de temps, il la convertit en degrés, minutes et secondes... (24 heures = 360 °) et trouva ainsi 71°2'29'' de longitude ouest... Précision qui relève elle aussi du miracle... François nota soigneusement « longitude 71°2'29'' Ouest »

 

En 1946, son descendant direct, le célèbre Capitaine Haddock retrouva ces coordonnées et partit à la recherche de l'île... Et ne la trouva pas... (tout au moins au premier essai). Car notre bon capitaine n'avait pas tenu compte du fait de son ancêtre s'était référé au méridien de Paris et non pas au méridien de Greenwich en tant que méridien d'origine... (le Méridien de Paris a pour longitude 2° 20' 16" Est).

Cette île au trésor se situe au Nord d'une grande île bien connue... Sauriez-vous nous dire laquelle ?

Notre ami Serge n'aura sans doute pas le courage de ramer jusque là à moins que son GPS ne tombe en panne... Ce que nous ne lui souhaitons pas.
Retrouvez Serge sur son site...


Les aventures de Tintin sont passionnantes, elles n'en sont pas moins entâchées de quelques erreurs qui ajoutent d'ailleurs à leur charme...

Bien entendu, vous avez déjà compris que le Capitaine de Hadoque ne pouvait faire le point avec une telle précision. Ce n'est qu'en 1761, c'est à dire environ 60 ans après notre histoire, que les chronomètres marins permettent de déterminer la longitude avec une précision d'un demi degré (30 km environ). Voici encore deux petites erreurs que tout bon Tintinophile lecteur du site de l'ADCS se doit de connaître..

Curieuse mappemonde que celle qui est aux pieds de Saint Jean L'Evangéliste. En effet, Si le méridien de Greenwich (ou celui de Paris) est bien représenté, on y trouve le méridien 70°W (longitude de l'épave) et le méridien 50°E (pointe est de l'Afrique).On aurait plutôt dû dessiner des méridiens tous les 60°. Un parallèle est représenté à la hauteur du milieu de l'Espagne, soit 40°N. On se serait plutôt attendu à voir celui de 45° (Bordeaux). Si le cercle polaire Nord est bien représenté, pourquoi pas les tropiques? Enfin, le point représentant l'épave est placé bien trop haut. En effet, sa latitude de 20°N devrait être à mi-distance entre l'équateur et le parallèle 40°N.

En outre, on ne peut qu'admirer la perspicacité de Tintin lorsqu'il souligne que le Chevalier de Hadoque ne se référait certainement pas au méridien de Greenwich. Par contre, le méridien en usage à l'époque du Chevalier de Hadoque était celui de l'île la plus occidentale des Canaries, l'île de Fer, et non le méridien de Paris qui n'a été utilisé que plus tardivement. Voici par exemple une carte de la Martinique (voisine de la Guadeloupe où Serge arrivera bientôt), datant de 1705. L'auteur mentionne comme longitude : 317 degrés 10 minutes pour la Martinique, il s'agit bien d'une longitude relative à l'île de Fer. Notons en passant que celle-ci est une longitude Est. Les longitudes relatives aux Méridiens de Paris ou de Greenwich sont des longitudes Ouest.

Vous pouvez cliquer sur cette carte pour obtenir plus de précisions...