T83 - LA PICAROGE.

« - Qu’ y a-t-il ? demanda Mr Fogg.
- Mon Maître,…balbutia Passepartout… mariage …impossible
- Impossible ?
- Impossible…pour demain
- Pourquoi ?
- Parce que demain, c’est dimanche
- Lundi, répondit Mr Fogg.
-Non… aujourd’hui …samedi.
- Samedi ? Impossible !
- Si, si, si, si s’écria Passepartout. Vous vous êtes trompé d’un jour ! »

 

Vous connaissez certainement ce texte que les deux noms cités permettent d’authentifier sans risque d’erreurs. Il s’agit en effet des aventures qui ont frisé la catastrophe que nous a livré Jules Verne (1828-1905) dans un de ses livres les plus célèbres « Le Tour du monde en quatre-vingts jours ».

Citons Philéas Fogg. « Je parie vingt mille livres contre qui voudra que je ferai le tour de la Terre en quatre-vingts jours ou moins, soit dix-neuf cent vingts heures ou cent quinze mille deux cents minutes ; Acceptez-vous ? » La narration de ce voyage et les aventures fameuses que connut Philéas Fogg, en train, paquebot, goélette, traîneau, éléphant… nous donne un merveilleux roman riche d’épisodes hauts en couleurs.

Une préparation minutieuse seule, permettra-t-elle à notre voyageur d’arriver à l’heure à Londres ? Mais les retards pris, en particulier pour le sauvetage de la Princesse Aouda dont il s’éprend et qu’il demandera en mariage le conduisent à un fatal retard d’une journée… MAIS NON, notre formidable globe trotter parti de Londres vers l’EST, c'est-à-dire à l’inverse du mouvement solaire et qui a gardé pendant tout son voyage l’heure de Londres n’a pas tenu compte du décalage horaire d’une journée que le choix du sens de son trajet allait lui imposer. Citons de nouveau Jules Verne.

« Pendant que Philéas Fogg, marchant vers l’Est voyait le soleil passer quatre-vingts fois au méridien , ses collègues restés à Londres ne le voyaient passer que soixante-dix-neuf fois. » Et vous connaissez la suite. Le voyage sera bouclé dans les délais prévus et Fogg épousera la belle Princesse et gagnera aussi son pari !

Ce livre traduit en de nombreuses langues a ravi et ravit tous ses lecteurs. L’idée n’est cependant pas de Verne. Elle est entièrement reprise d’Edgar Poe (1809-1849) et vous trouverez dans l’édition que nous citons de ce livre, l’édition originale enrichie d’un excellent dossier littéraire et historique de 220 pages. Et dans cette étude, je vous renvoie vers « La semaine des trois dimanches ».

LA PICAROGE.

Je ne vous parlerai donc plus du problème permanent que rencontrent tous les voyageurs qui quittent le sol où ils vivent pour quelques séjours lointains sous des longitudes très différentes. Un petit voyage sur internet vous donne avec l’heure de Londres, l’ heure qu’il est, au même moment, dans toutes les grandes villes du monde.

Six heures de décalage pour la côte EST de l’Amérique du Nord. Je le sais. Donc à Pointe à Pitre où je suis, il est 12h ce qui fait à Paris 18h. Ce n’est pas simple de choisir entre ajouter et soustraire ! Et puis s’il est ici, lundi à 05 h, puis-je appeler Mamie restée à Paris ? Sera-t-il lundi à 11 h ou dimanche à 23h. ? Des calculs de ce genre sont le lot de nombre de voyageurs; Comment s’en dispenser ?

Une solution assez simple est d’emporter deux montres dont l’une indiquera l’heure de la ville de départ et à laquelle je ne toucherai pas ; l’autre sera mise à l’heure de la ville d’arrivée.

La picaroge de Serge : Voyez dans ce nouveau mot (ce néologisme) : un assemblage de deux mots tronqués : Picardie et Horloge (dans le premier cas les linguistes appellent cette suppression de la seconde partie d’un mot (comme dans métro ou interro) une apocope et dans le second, l’ablation de la première partie du mot (comme dans bus ou pitaine) une aphérèse. Et nos deux morceaux, par recollement (ou concaténation) nous permettent de forger un nouveau mot. Disons que Serge habitué maintenant sur Diogène à couper la tête et la queue des poissons qu’il jette à la mer, mettra à la poêle le corps de cet animal marin, et il aura - jeu de mots créé sans maux excessifs - pratiqué comme le chirurgien, une double ablation, puis une greffe… de mots. Aucune dorade, aucun exocet, pas un seul hareng ou morue ou anguille mangé par notre linguiste distingué n’ a fait connaître son désaccord. Serge, sur Terre, notre marin jette le corps des mots et sur mer déguste le corps de ses poissons.

(En fait, Serge en forgeant ce mot s’est certainement inspiré de « swatch » mot et concept que je vous laisse le soin de désarticuler et de comprendre).

 

  La picaroge de Serge lui évite bien des problèmes. Il l’a fait construire par des étudiants de notre célèbre école d’ingénieurs en électronique d’Amiens, l’ESIEE . Le microprocesseur breveté est enfermé dans un boîtier en aluminium (légèreté et résistance à la corrosion obligent) et Serge dispose de deux affichages (l’un pour l’heure d'Amiens et l’autre pour l’heure de la ville où il se trouve).

Bien entendu, la picaroge est synchronisée sur une horloge atomique et tient compte aussi de nos heures d’été ou d’hiver, des années bissextiles ou non, de la fameuse seconde additionnelle telle celle que nous ajoutons règulièrement à le dernière minute de l’année,…Vous savez aussi que Serge est en liaison avec le reste de l’humanité par téléphone satellite et qu’il reçoit et envoie ses SMS sans difficultés. Isolé, est-il vraiment solitaire ?

Et dans un prochain texte, nous vous parlerons un peu d’autres soucis quotidiens de Serge. Il y a plus de six semaines que Diogène vogue, et ma foi, pas de mutinerie de l’équipage et le capitaine n’a pas l’air malheureux du tout. « Pourvu que ça dure » disait Maria Létizia Ramolino, mère de Napoléon 1er, inquiète de l’ascension rapide de son fils. Ecoutez les vents d’Ouest ; vous entendrez peut être aussi ce cri quotidien de Serge 1er !

bibliographie : Jules Verne. Le tour du monde en quatre-vingts jours Pocket Classiques

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