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T10 - Les cailloux invisibles.

ATTENTION; CETTE EXPERIENCE DE PHYSIQUE PEUT PRESENTER CERTAINS RISQUES (NOTAMMENT DE BRULURES). NOUS DEMANDONS AUX PLUS JEUNES D'ENTRE-VOUS DE NE L'EFFECTUER QUE SOUS LA SUPERVISION D'UN ADULTE.


Entendre un étrange bruit métallique et un choc solide lorsqu’on secoue un tube à essais rempli aux trois quarts avec seulement de l’eau, chercher alors les graviers ou les cailloux qui dans le tube doivent en être responsables et pourtant ne rien trouver, voilà de quoi déconcerter l’observateur même le plus perspicace.C’est ce petit tour de physique amusant que nous vous proposons de réaliser ici avec un matériel extrêmement restreint (fig1).
Il vous faudra en effet disposer pour cela simplement d’un tube à essais en verre (tube à vanille par exemple) d’une contenance de l’ordre de 30 cm3, d’une pince à linge en bois pour le tenir et d’un bon bouchon (si possible au néoprène ou à la rigueur en liège) bien serré et d’une lampe à alcool ou d’un réchaud à gaz (brûleur de plus petite taille).
On commence par emplir aux deux tiers le tube à essais d'eau puis en le tenant par la pince, on fait bouillir sur le réchaud l'eau à la partie supérieure. Si vous chauffiez l'ensemble du tube, l'ébullition chasserait l'eau par projection, ce qui serait d'une part dangereux pour vous et d'autre part nuisible pour notre expérience car il faut que le tube conserve une masse d'eau importante (fig2).Après quelques secondes d'ébullition à la partie supérieure, on peut être assuré que la vapeur d'eau a bien chassé l'air.
On bouche alors hermétiquement le tube (fig3) sans attendre (sinon l’air réintégrerait le tube). On enferme ainsi dans le tube de la vapeur dont la température est encore très voisine de 100° et dont la pression est donc encore très proche de la pression atmosphérique. On sait en effet que lorsqu’un liquide bout, la pression de la vapeur produite est égale à la pression que subit le liquide (ici la pression atmosphérique).
En retournant le tube en le tenant avec la pince à linge, vous aspergez par petits coups le tube à essais (fig4). Que voyez-vous alors?
Quelque chose de profondément paradoxal : l’ébullition reprend alors qu’on refroidit le tube Après quelques instants, elle cesse ; il faut alors à nouveau asperger un peu le tube et elle recommence.

Que se passe-t-il donc ? Vous venez tout simplement de vérifier que la température d’ébullition de l’eau dépend de la pression. Celle-ci agit en effet comme un verrou qui empêche la formation des bulles. Pour que celles-ci apparaissent il faut donc que la température soit suffisante pour que la pression de la vapeur produite contre-balance la pression extérieure. C’est la raison pour laquelle si l’eau bout à 100° C au niveau de la mer, il suffit de 96° C au sommet du Mont Blanc et seulement de 30°C vers 25 km d’altitude; et dans le vide, au-delà des couches les plus élevées de l’atmosphère, l’eau entre en ébullition même à zéro degré. Lorsque vous avez aspergé le tube, le refroidissement a été plus rapide pour la vapeur que pour la masse d’eau qui présente une grande inertie thermique. La vapeur d’eau ainsi refroidie brutalement se condense en gouttelettes, la pression à l’intérieur du tube chute alors par suite de cette condensation, devient trop basse pour la température encore élevée de l’eau... et l’eau se remet à bouillir!

Mais quand un liquide bout, il absorbe de la chaleur et ceci est normal. En effet dans le liquide les particules sont attachées les unes aux autres assez faiblement, ce qui explique qu’un liquide puisse couler ; mais elles sont attachées tout de même.

Dans le gaz au contraire, les particules sont totalement libres. Pour que le liquide puisse devenir vapeur, il faut donc que de l’énergie (de la chaleur) soit absorbée pour servir à casser les attaches. D’où vient donc la chaleur qui permet à l’eau de notre tube de se remettre à bouillir puisqu’on ne chauffe plus ? C’est tout simplement dans sa masse que l’eau, contrainte à bouillir après que le verrou a sauté, doit puiser des calories servant à cette ébullition. Mais alors, puisant ainsi dans ses réserves de chaleur, elle se refroidit. Et à chaque aspersion, l’enchaînement reprend refroidissement rapide de la vapeur, condensation, chute de pression, ébullition, refroidissement, nouvel équilibre, nouvelle aspersion, ...

Jusqu’à quand le phénomène continue-t-il ? Tout simplement jusqu’au moment où l’aspersion ne produira plus la condensation ; donc au moment où la température à l’intérieur du tube sera devenue identique à celle de l’eau d’aspersion.

Pour poursuivre l’expérience jusqu’à des températures voisines de zéro, il faudra donc asperger avec de l’eau à zéro degré. vous mettrez donc dans une carafe d’eau des glaçons en quantité suffisante pris au freezer de votre réfrigérateur.

Lorsque le tube tenu à la main vous paraîtra froid (vers 15° C) et que l’eau continuera à bouillir à l’intérieur lors de chacune des aspersions, secouez-le bien verticalement (bouchon en bas) d’un coup sec. Vous entendrez alors un bruit insolite, comme si des objets solides et lourds s’y trouvaient secoués ! Si vous ne percevez pas ce bruit, refroidissez le encore et secouez-le énergiquement et bien verticalement (attention, il faut pour que cela se produise bien clairement, que le niveau de l’eau soit nettement au-dessus de la moitié du tube). A quoi est dû ce bruit ?

Aussi étrange que cela paraisse, c’est l’eau qui en est seule responsable. Regardez attentivement ce qui se passe quand vous lancez le tube vers le haut pour le secouer ! La masse d’eau décolle du fond et une bulle apparaît. Que contient cette bulle, et comment peut-elle se former ? Quand vous aurez répondu à cette question (la seule déduction logique doit vous le permettre) vous aurez trouvé la solution à cette énigme des «Cailloux invisibles»...

LES CAILLOUX INVISIBLES; SOLUTION:

Vous l’avez certainement deviné, cette bulle est pratiquement une bulle de vide (en fait de vapeur d’eau à très basse pression). Lorsque la température d’équilibre est descendue jusqu’au voisinage de 0°C, et c’est ce qui est arrivé si vous avez aspergé avec de l’eau très froide, la pression de la vapeur au-dessus de l’eau liquide est devenue très basse (environ le centième de la pression atmosphérique). Lorsqu’on lance le tube vers le haut, plus rien ne s’oppose à ce que la masse d’eau décolle par inertie et que le vide apparaisse par en dessous. Dans une bouteille à moitié remplie d’eau et fermée, cette chose est impossible car la pression atmosphérique règne au-dessus de la surface et empêche le mouvement. Mais ici plus d’obstacle; lorsque l’eau retombe, la bulle ne cherche pas à s’échapper (comme le ferait une bulle d’air en freinant la chute de l’eau). Elle disparaît tout simplement et l’eau retombe en bloc comme une matière solide. C’est parce que la pression est devenue très basse que la masse d’eau se meut dans le tube comme si elle était massive et solide; d’oû le bruit du choc...